Nous avons posé quelques questions à Mickaël Puthod, architecte d’intérieur au sein de l’agence Wildhome. Avec Céline Veller, décoratrice d’intérieur, il a élaboré une méthode unique de travail qui sort des sentiers battus… Aujourd’hui, il nous explique en détail son métier et nous livre les secrets de la réussite de l’aménagement d’une cuisine !
Bonjour, Mickaël, pouvez-vous nous parler de votre métier et de votre parcours en quelques mots ?
Bonjour, je m’appelle Mickaël Puthod et je suis architecte d’intérieur. J’ai la chance d’avoir su très tôt vers quel corps de métier je voulais m’orienter. C’est donc tout naturellement, que j’ai choisi l’Institut CREAD Lyon, pour mes études supérieures. Au sein de cette école, sont formés des architectes, des décorateurs et des designers. Fort de ces années de formation, j’ai par la suite exercé pendant un temps le métier d’architecte d’intérieur à mon compte. En juin 2020, j’ai co-fondé, avec ma conjointe, l’agence Wildhome. Avec Céline, qui exerce le métier de décoratrice d’intérieur, nous avons mis au point une méthode de travail qui a une approche différente de ce qui se fait actuellement en matière de décoration d’intérieur. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de cet interview.
Nous avons hâte d’en savoir plus ! Mais tout d’abord, dites-nous, qu’est-ce qui vous plait le plus dans ce métier ?
Plusieurs choses me plaisent dans mon métier ! Premièrement, je dirais que c’est avant tout la satisfaction du client. Trouver ce qui lui correspond le mieux et de pouvoir déclencher une étincelle chez lui, ça n’a pas de prix. Ensuite, je dirais que c’est le défi. Le challenge et la remise en question est un volet important du métier d’architecte d’intérieur, qui doit s’adapter à chaque demande et à chaque client. Pour y arriver au mieux, il ne faut pas rester sur ses acquis et il convient de chercher constamment à innover. Il n’y a pas mieux pour stimuler la créativité !
Mickaël, vous êtes architecte d’intérieur, en quoi votre métier diffère de celui de décorateur ?
Nos deux métiers sont intrinsèquement liés, car nous travaillons tous les deux l’aménagement de l’espace et du volume, cependant, je vois les choses d’un œil beaucoup plus technique. À CREAD, j’ai acquis des notions avancées sur le bâtiment et les gros œuvres, qui me permettent de pouvoir anticiper et contourner les problèmes liés à l’architecture d’un lieu. Je vais alors pouvoir transformer le défaut d’un volume, par exemple, et appréhender les contraintes. D’ailleurs, toutes ces compétences accrues sur la conception et la réalisation d’un espace me permettent de facilement échanger avec les artisans sur des problématiques de structure ou de matériaux, par exemple.
D’un point de vue d’architecte d’intérieur, qu’est ce qui fait de la cuisine une pièce intéressante à travailler ?
À Wildhome, on aime beaucoup travailler les cuisines. C’est une pièce de vie qui fait partie intégrante de notre quotidien et qui, à la différence d’autres pièces, est l’hôte de plusieurs activités dans la journée. Dans la cuisine on peut manger, recevoir des amis pour un apéro ou encore faire ses devoirs. J’ai même connu un client qui faisait de la peinture ! Cette pièce doit donc être multifonctionnelle et pensée selon les besoins et les habitudes du client. Une fois les besoins établis, on peut laisser libre cours à sa créativité et s’amuser avec les possibilités offertes par la structure de la cuisine : le choix des meubles comme la table ou les tabourets, la disposition des couleurs et des matières dans l’espace. En somme, c’est une pièce complète qui touche à la fois les aspects techniques et esthétiques d’un volume.
Pour vous, qu’est-ce qui définit une cuisine fonctionnelle ?
Une cuisine pratique et fonctionnelle c’est avant tout une cuisine adaptée au client, à ses envies et à ses besoins. La cuisine doit s’adapter aux habitudes quotidiennes du client pour remplir ses fonctions. Par exemple, une personne qui cuisine peu et qui mange tard le soir face à sa télé n’a pas besoin d’une grande cuisine. À l’inverse, un client qui aime recevoir et préparer des repas aura grand besoin d’espace ainsi que des fonctions et des options adaptées. La cuisine fonctionnelle doit répondre à un cahier des charges précis et être optimisée pour son occupant. C’est une cuisine qui est unique et personnelle au client.
Le fameux triangle d’activité définit habituellement l’implantation d’une cuisine, est-il important de le respecter ?
Le triangle d’activité est une notion importante à prendre en compte, mais je n’aborde pas cela avec un œil mathématique, disons au millimètre près. Le principal, pour moi, c’est que les points d’eau et de cuisson soient à proximité les uns des autres. En pratique, je ne pars pas du triangle pour définir l’implantation de la cuisine, mais je me base plutôt sur le volume de la pièce. Je dirais donc que je pense d’abord le volume de la pièce, pour ensuite y venir implanter les éléments importants de manière optimale. Cette méthode me permet également de m’adapter à des volumes atypiques dont les angles ne sont pas droits ou avec des murs mansardés, par exemple.
Quelles sont, selon vous, les erreurs à éviter pour l’aménagement de sa cuisine ?
En premier lieu, je dirais que c’est de négliger l’aspect fonctionnel de la cuisine. Il faut penser l’espace entièrement et se poser les bonnes questions. La disposition des éléments permet-elle une circulation fluide et agréable ? Y a-t-il suffisamment de place pour ouvrir les tiroirs ? Les points de cuisson, de froid et de lavage sont-ils assez proches ? Ensuite, il ne faut pas oublier qu’une cuisine est un espace multifonctionnel qui peut donc rapidement être surchargé visuellement. Par conséquent, la cuisine ne doit jamais manquer de rangements. J’ajoute que ceux-ci ne doivent pas forcément être ouverts et que les rangements fermés ont l’avantage de donner un aspect rangé à la pièce : visuellement, on ne verra ni les divers ustensiles de la cuisine, ni la poussière. Pour finir, je dirais que lors de l’aménagement de sa cuisine, il ne faut surtout pas s’arrêter à des modèles préfabriqués, comme on peut en trouver dans les magazines et qui ne prennent pas en compte nos envies et nos besoins. Du choix des chaises en passant par les meubles de rangement, tout doit être en phase avec vos exigences, vos goûts et votre personnalité !
Et pour les petites pièces, comment tirer meilleure partie de l’espace de la cuisine ?
Dans les petits espaces, la cuisine doit être sur mesure. Pour qu’elle soit fonctionnelle, on va chercher à optimiser l’espace avec des éléments de cuisine escamotables, réglables ou encore extensibles. Je pense, par exemple, à un plan de travail sous forme de tiroir, qui se dévoilerait au moment de la préparation des repas. Enfin, il faut également faire attention à ne pas surcharger la pièce. Le mobilier adapté aux petits espaces est donc conseillé. Cela va, par exemple, des chaises de cuisine pliantes, à la table extensible en passant par les meubles de rangement.
Dans une autre interview, la décoratrice Emmanuelle Bouancheau, nous parlait de l’harmonie, difficile à atteindre, mais essentielle dans une cuisine. Comment abordez-vous cette notion d’harmonie ?
Cette notion d’harmonie, je l’aborde sur la partie esthétique du projet, que nous réalisons, chez Wildhome, main dans la main avec le client. Avec notre méthode de travail, on va essayer de chercher ce que le client aime et ce qui l’anime. Ces informations vont nous donner une idée sur les matériaux et les couleurs qui lui correspondent. Ensuite, tout est une question d’équilibre ! Disposer les éléments afin que chaque chose soit juste à sa place, sans que l’un prenne le dessus sur l’autre.
Merci pour tous ces précieux conseils ! Parlons maintenant un peu de votre méthode de travail chez Wildhome !
Par quoi, commencez-vous avant d’aborder un projet ? Et quelles sont les différentes étapes jusqu’au « produit fini » ?
Avec Céline, on a développé une approche singulière de l’aménagement d’intérieur. Nous commençons toujours par apprendre à connaître nos clients afin de comprendre leurs attentes et leurs besoins. Pour cela, nous discutons avec eux de leur mode de vie. Celui-ci est propre à chacun selon ses expériences et ses souvenirs et peut-être très différent d’une personne à l’autre. Nous pouvons, par exemple, nous retrouver face à une personne qui mange habituellement devant la télé, un autre qui mange dans sa salle à manger et une autre, dans son lit. Sans jamais juger, nous prenons tous ces paramètres en compte lors de la réalisation du projet afin de faciliter le mode de vie de nos clients.
Deuxièmement, nous essayons également de comprendre la personnalité de nos clients au travers d’un large panel de questions. Ces questions, qui n’ont rien à voir avec la décoration, nous permettent de constituer une analyse émotionnelle pointilleuse de nos clients, afin de réaliser une planche esthétique. En d’autres termes, nous transformons les expériences, les émotions et les singularités de nos clients en formes, en couleurs et en matières. À la manière d’un vêtement haute couture, nous imbriquons toutes ces informations sur la personnalité et le mode de vie du client pour lui créer un espace unique, cohérent et créatif.
Quelles sont vos influences ? Où trouvez-vous l’inspiration ?
Notre inspiration nous vient de la combinaison de deux choses : le client et le lieu. Grâce à notre approche, nous pouvons recueillir les informations nécessaires qui nous donneront des idées sur les formes, les couleurs et les matériaux qui prendront vie dans le lieu. Ainsi, cela nous permet de nous renouveler à chaque projet. Par ailleurs, il faut savoir qu’il nous est impossible de reproduire un projet à l’identique, car c’est vraiment la combinaison de ces deux facteurs qui nous aiguillent sur la démarche à suivre. Il serait donc impossible, pour nous, de refaire la même chose dans un lieu différent, même si le client est le même pour les deux.
Quelles sont les difficultés fréquentes que vous rencontrez dans la conception des cuisines ? Comment faites-vous pour les surmonter ?
Des contraintes, il y en a toujours, et plus particulièrement dans les salles de bain et les cuisines. Celles que je rencontre sont principalement d’ordre technique. Je peux citer les réseaux de plomberie et d’évacuation, les implantations électriques ou encore la présence d’une chaudière à gaz non esthétique. Contourner ces contraintes c’est mon métier ! Face à cela, je fais preuve de créativité et je pense le volume afin d’adapter l’aménagement et dissimuler certains éléments à l’aide d’un faux plafond, de doublages et de modules, par exemple. Le but à atteindre, c’est l’intégration de la contrainte technique dans la pièce.
Qu’est-ce qui vous permet de déterminer la faisabilité d’un projet de cuisine ?
Je dirais que tout projet est hypothétiquement réalisable. Quand le budget suit, il est tout à fait possible d’entreprendre de grands chantiers et d’éliminer toutes les contraintes. Face à un projet limité par le budget, j’essaie de contrer les difficultés en étant créatif et ingénieux. Cela me permet également de toujours me renouveler et de mettre à profit mes connaissances techniques. Il n’y a donc pas de projet impossible à faire, ce qu’il y a, ce sont des défis !
Avez-vous l’occasion de voir le rendu réel de vos projets ?
Oui, globalement, nous allons toujours jusqu’au bout de nos projets avec nos clients. Nous sommes présents durant la phase esthétique du projet, durant sa phase technique puis lors de la passation du cahier des charges à la maitrise d’œuvre, pendant toute la durée des travaux.
Justement ! Avec quels autres corps de métier travaillez-vous ? Comment s’articule votre travail avec ces autres acteurs ?
Chez Wildhome, nous confions nos dossiers à nos partenaires. Parmi eux, nous retrouvons des maîtres d’œuvre, des artisans ou encore des agenceurs sur mesure. Quand nous nous occupons de l’idée et du projet, eux s’occupent de tout ce qui touche à la conception. Dans un souci de qualité, nous leur remettons un cahier des charges complet et extrêmement précis qui est constitué, entre autres, de plans et de descriptifs travaux. Notre travail s’articule avec le leur dans une relation complémentaire, où nous sommes toujours présents et attentifs.
En parlant d’acteurs, comment s’articule votre collaboration avec le client ?
Nous travaillons en tandem avec le client, pour constituer avec lui toute la partie recherche créative. Avec la planche émotionnelle et la planche d’ambiance, nous pouvons ainsi constituer un visuel en 3D très précis. Il permettra au client de visualiser et de modéliser sa future cuisine à l’identique. Pas de place pour les « à peu près », chaque détail est rendu sur le visuel. Nous y trouvons aussi bien la table de cuisine, les meubles de rangement que les accessoires déco. Ainsi, le client pourra aisément se projeter et valider ou invalider certains points. Nous travaillons alors avec lui jusqu’à trouver l’aménagement qui lui plaira.
Pouvez-vous nous parler du projet de cuisine qui vous a le plus marqué ? Pourquoi ?
Tous nos projets nous ont marqués, car ce qui nous touche c’est surtout d’aboutir à la satisfaction du client. Dès lors que le rendu lui plaît, nous sommes heureux. Toutefois, je peux dire que les « avant/après » très flagrants ont le don de savoir nous marquer ! Lorsque l’on ne reconnaît plus la pièce, tant elle a été transformée, ça reste spectaculaire même pour nous, qui en avons eu la charge.
Pouvez-vous nous parler d’un projet problématique et la réponse que vous avez trouvée pour résoudre ce problème ?
Je pense à une cuisine que nous avons rénovée sur Paris. Cette cuisine datait des années 1980, elle était toute en longueur et possédait peu de rangements ainsi qu’une fameuse chaudière à gaz : nous étions face à des contraintes d’espace et d’esthétique. Il a fallu repenser cette cuisine afin de la rendre pratique, fonctionnelle et esthétique, tout en respectant des contraintes de coût et de budget. Pour résoudre ce problème, nous avons décidé d’y implanter une cuisine linéaire suivant la forme de la pièce, de multiplier les rangements et de cacher les gaines électriques ainsi que l’arrivée de gaz. La cliente était vraiment satisfaite et nous avons pu sortir de notre zone de confort. C’est typiquement l’exemple de ce qui me plaît dans le métier d’architecte d’intérieur !
Pour finir, quel est le projet sur lequel vous rêveriez de travailler ?
Je rêverais de travailler sur un magnifique corps de ferme où tout serait à refaire. C’est un espace avec un volume intéressant à travailler qui représenterait un gros challenge, soit tout ce que j’aime ! D’un point de vue esthétique, je trouve que ce serait intéressant de chercher à moderniser le lieu sans en dénaturer le charme avec notamment des poutres apparentes et des puits de lumière à créer. En somme, c’est un espace dont le volume offre de grandes possibilités et où je pourrais laisser libre cours à ma créativité.
Quel beau projet ! Nous espérons que vous pourrez réaliser ce rêve. Merci Mickaël, pour vos réponses et vos conseils. Pour prolonger cet article, nous vous invitons également à lire notre interview cuisine avec la décoratrice Emmanuelle Bouancheau.
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